L'or perdu du complotisme

paru dans lundimidi#0 le 21 mars 2022

1 avril 2023 - le Seuil révèle avec une gourmandise évidente que le Manifeste Conspirationniste était un retentissant canular, ses auteurs sortent de l'ombre, ses critiques comme ses suiveurs sont effondrés, le tout jeune Parti Anti-Conspirationniste ne s'en remettra pas, les Jeunesses Complotistes Révolutionnaires se placent en retrait de la vie politique, "le Nouveau Conspirateur" cesse de paraître. Certains, dès mars 2022, avaient pourtant alerté.

Faut-il lire le manifeste conspirationniste à l'envers? Dans une forme de renversement pervers - et qui devrait en fait être évident si le manifeste était convainquant ou vraiment ce qu'il prétendait être - le livre pourrait être compris à travers ses propres catégories : celui d'une opération contrôlée et coordonnée. Un fake livre, d'une veine clairement situationniste : un complot littéraire.

Un livre visant précisément à susciter les réactions et critiques essuyées, au contenu soupesé avec soin, écrit par une ou des personnes avec un sens aigu du placement, du timing médiatique, un vrai talent littéraire, et finalement une connaissance très à jour des débats. De l'extrême gauche, des mouvements complotistes ou anti-complotistes, le livre reprend les discussions, ou les contourne en connaissance de cause. S'il est écrit de cette façon, c'est à dessein et partiellement pour faire peuple, s'il est mal accueilli c'est calculé.

Un aimant à critiques

La question d'un possible canular traverse beaucoup de recensions du Manifeste, percevant pour beaucoup des messages cryptés dans le texte, plusieurs niveaux de lectures et pour certains la possibilité d'une entourloupe, a minima un livre anticipant tout geste critique à son égard. En fait d'anticiper la critique, le livre paraît délibérément conçu pour la susciter, très précisément dans une direction donnée. Il n'y a pas besoin d'ouvrir le Manifeste conspirationniste pour le critiquer, dans la mesure où il est déjà tissé de messages et d'incitations avant même d'avoir un contenu : son éditeur, son anonymat, son titre, sa couleur, sa phrase en quatrième de couverture.

Le Seuil, maison d'édition prestigieuse, passage d'une ligne symbolique et régionale avec les chars de ploucs du complotisme se déversant d'un coup sur Paris ; l'anonymat, ou l'irresponsabilité ajoutée à la faute originelle ; le titre, uniquement destiné à provoquer, et à mixer des termes consacrés de gauche avec des termes honnis ; la couleur uniforme, évidemment chargée de précédents ; la phrase de 4e de couverture, destinée à flatter ceux qui captent une ref. de faux initiés (à l'Etat profond), soit l'indice le plus évident que le livre se fout du monde.

Pourquoi un tel coup? D'abord pour s'amuser de la prévisibilité et de la crédulité des réactions, soupeser expérimentalement la diffusion réussie et digérée d'un discours de rejet du complotisme, c'est à dire la pénétration même chez des intellectuels d'un type de discours « anticonspi », poussif, devenu contre-productif à l'usage et avec le temps. Premier objectif rempli : les réactions n'ont eu de cesse de scander l'illégitimité et le caractère déviant d'un tel discours. Plus encore, la critique s'est concentrée sur la recherche éperdue et rageuse d'un ou plusieurs auteurs, comme un livre avant tout commis, avant tout par des coupables ; une recherche où se joue en plus entre tous les critiques la mise en scène des réseaux et connaissance de chacun (« je le sais de source sûre »).

Cette recherche masque toutefois une autre absence d'enquête, celle sur la possibilité d'un coup monté - la possibilité même que ce livre soit un complot. Le livre pourrait bien être un terrible test expérimental pour montrer à quel point le complot ne fait même plus partie de l'univers du possible politique (ce qu'il avance précisément dans ses pages). Inciter les critiques à se déchaîner sur ce qui a été conçu comme un piège serait une version modernisée particulièrement perverse du poussif « parfois il y a quand même de vrais complots », une contre-leçon de piège tendu à des anticonspis ayant parfois créé de toute pièce une théorie en espérant la voir circuler (ce qui n'a jamais fonctionné à leur grand désarroi). Le temps que passe le livre à critiquer « l'anticomplotisme » laisse penser à quel point celui-ci est justement un des ennemis qu'un canular pourrait viser.

Un pastiche du complotisme

Rien n'est à sauver ensuite dans ce livre. A un tel point que l'ampleur du ratage d'un tel texte devrait au fond étonner, encore plus au vu de ses auteurs supposés – il est facile de sentir que le plaisir critique de descendre des auteurs arrogants et hautains depuis des années, prétendant tout réinventer sans jamais lire les copains, ou l'autre plaisir de les savoir enfin grillés, intellectuellement inaptes, est passé avant la prudence pourtant nécessaire avec un tel adversaire. Là encore, avant même le propos spécifiquement complotiste, autre chose joue : un choc esthétique. Comment est-il possible d'aussi mal écrire à l'extrême-gauche ? Qui a osé toucher aux traditions littéraires ?

Les phrases courtes et sentencieuses, les énumérations sans fin, les anaphores lourdes, le fait de sauter du coq à l'âne, l'exemplification omniprésente - la proximité avec l'écriture de Don Quichotte cheap de Juan Branco est bien plus flagrante qu'avec les écrits du comité invisible, au ton très différent, et à la plume sensiblement plus fine. Une distance évidente sur un premier élément : le livre est d'emblée conçu comme une suite de catchphrases tweetables et faciles à traduire, au rythme haché, avec fréquents retour à la ligne. Le livre hoquette, mais tronçonné de cette manière, il suit logiquement une jolie carrière en ce moment sur ce réseau et en plusieurs langues. Ensuite, un second aspect devrait faire tiquer : le fait de citer ad hominem page après page, dans une vision où l'ennemi n'est plus un système mais un ensemble d'institutions, lieux, et individus, jusqu'au haut-fonctionnaire de la santé – en comparaison aucun nom propre n'était visible dans « l'insurrection qui vient ».

Rien à sauver, et c'est voulu. La joie des auteurs à compter ceux qui lisent et adhérent, trouvent l'ensemble intéressant et n'y voient que du feu doit être intense. Car ce livre est probablement avant tout un immense pastiche d'une supposée rhétorique du complotisme, truffé de reprises de forme comme de fond, comme un exercice littéraire pervers fait par des gens qui savent toujours écrire ; lesté de balistique politique à un moment charnière en France par des gens qui connaissent les équilibres actuels. Le Manifeste reprend à l'envers tout ce qu'on dit être le complotisme – y compris l'écriture balourde, et à part peut-être l'écriture en majuscule, la ponctuation hasardeuse et les fautes d'orthographe – comme une forme de lecture active de la série sans fin d'écrits prétendant saisir la « rhétorique » et le style complotiste, ou le résultat d'une plongée dans la « complosphère », marronnier de plus en plus usé.

Mais le caractère de pastiche semble d'autant plus avéré en réalité que rien, strictement rien, dans le contenu du livre n'a la moindre originalité du point de vue complotiste : il superpose des discours déjà vus, et plus encore reprend des exemples déjà débunkés depuis longtemps. Rien ne change à la liste des coupables (on retrouve Bill Gates), ni aux événements (on retrouve « l'event 201 »). Le pastiche est donc inachevé, avec un goût de plagiat du complotisme : à se fier à ce qu'est déjà le complotisme de manière scolaire et appliquée plutôt qu'à lui même couper les pixels en quatre, et faute de prendre au sérieux sa propre idée qu'il y aurait une pensée complotiste, le livre se condamne à avoir un temps de retard. Lorsqu'il annonce au début du manuscrit qu'il fera l'économie des notes de bas de page, il faut bien comprendre qu'il se dédouane d'un pillage, celui des écrits complotistes approchés pour être copiés, méprisés au fond, et dont on entend juste faire un usage stratégique.

Le titre du livre intriguait pourtant, l'annonce d'une défense du conspirationnisme comme un mode de pensée était audacieuse, c'était une amorce subversive et la possibilité d'un tour de force intellectuel ; or plutôt qu'engager une réflexion méta sur le complotisme, le Manifeste s'avère être une théorie du complot parmi d'autres, et sans rien de plus que les autres. C'est la plus grande trahison (ou stratégie?) de ce livre que de ne même pas être capable de s'en tenir à son projet annoncé. A la place, le manifeste superpose sans articuler : du complotisme d'une part, du remix covid d'idées qui gravitent à gauche depuis un bon moment de l'autre - ce vitalisme final par exemple, omniprésent chez Damasio depuis longtemps dans une forme littéraire.

Le livre est bi-goût parce qu'il a deux objectifs privilégiés : parler à une extrême gauche qui explore l'hypothèse de mobiliser les masses par le complotisme depuis les gilets jaunes, et – c'est moins connu – parler à des complotistes qui n'ont eu de cesse depuis deux ans de renverser le stigmate pour clamer au « génie du complotisme ». Cette revendication de connaître le complotisme de l'intérieur est visible dès l'intro, posant combien « le débat n’est pas entre conspirationnisme et anticonspirationnisme, mais à l’intérieur du conspirationnisme ». Quel serait l'objectif? Probablement permettre de créer les conditions d'une rencontre et laisser un chemin retour d'ouvert à gauche pour les lassés du complotisme, en excitant au passage, par le format mystérieux et l'anonymat, la propension supposée de ces derniers à « faire leurs recherches » (terme fourre-tout que le livre s'approprie aussi). La couleur du livre pourrait autant être une référence aux « livres jaunes » d'un de ces théoriciens graphomanes conspirationnistes qu'au manifeste du parti communiste ou au petit livre rouge, l'anonymat pourrait rappeler celui de Q, du mouvement Qanon, etc. Tout le système de signes destiné à exaspérer les amis a facilement son pendant explicatif complotiste, et le fait qu'ils soient particulièrement concentrés au début du livre pour s'en éloigner ensuite peut apparaître comme la traduction écrite d'une stratégie de glissement, du complotisme à une pensée critique légitime.

Un précis de balistique politico-littéraire

Pourquoi un tel calcul ? Au delà de l'idée qu'on est complotiste par aveuglement ou croyance, le complotisme peut s'entendre comme un pari politique conscient par ceux qui le font – une manière de jouer avec le feu de deux manières. Premièrement en couvrant un maximum d'événement avec une interprétation complotiste à chaque fois, pour attendre d'avoir raison ne serait-ce que sur une chose et renverser ensuite la table ; hypothèse d'un tirage statistique où il finira bien par y avoir une anomalie (probablement l'hypothèse initiale d'un Meyssan ou d'un Soral) et désormais une faute des anticonspis et des cellule fake news. Une stratégie que le livre adopte partiellement en multipliant les exemples. Deuxième stratégie, se draper dans des clichés du complotisme pour se rapprocher ou séduire des électeurs ou des militants potentiels, et donc parier sur le glissement naturel de l'idée à la substance, où complotiste ne désignerait par pour rien à la fois un type de discours et de personnes – bref faire complotisme pour faire peuple.

En ce sens, le manifeste conspirationniste tente la même chose que Florian Philippot de l'autre côté de l'espace politique au même moment, mais surtout quelques années avant lui Soral et Asselineau (dont les échecs n'ont pas été assez médités) : une opération de transmutation de l'or complotiste, cette masse apparemment grossissante d'année en année, dont chacun cherche la clé et plusieurs prétendent tenir les rênes - comme Raoult lors de la visite du chef de l'Etat à Marseille, quand il sous-entend qu'il pourrait « ne pas tenir » les antivax, et oblige à ce mot de Macron sur son caractère de « grand scientifique ». Le complotisme - dans toutes ses variantes antivax, etc - est devenue une matière molle à matérialiser dans un sens politique où l'autre, militants ou électeurs, dont il faut aussi se méfier, et dont on peut toujours jouer sur le caractère fondamentalement flou pour sous ou surévaluer sa réalité quand le besoin se présente.

Le manifeste tente cependant une chose supplémentaire : faire du complotisme mixé avec des auteurs de qualité pour mieux les introduire aux lecteurs – une idée pas si stupide si l'on tient compte d'une part de l'idée qu'ils seraient de plus en plus nombreux, d'autre part qu'ils ne seraient pas tous des croyants acharnés - le nombre croissant d'articles mettant en scène des repentis du complotisme le montre par exemple par l'absurde, à travers tous ces cas qui une fois mis en série deviennent une antiphrase géante, précisément parce qu'il y en a trop. Trop nombreux à le dire, toutes celles et ceux qui expliquent leur addiction/croyance passée montrent paradoxalement qu'on se sort du complotisme ; par extension qu'il n'est pas stratégiquement absurde de les attendre à la sortie.

Mais premier problème, tous les faits cités dans le livre sont déjà caduques à l'impression, aucun n'est encore un point d'interrogation, le livre est tourné vers le passé et n'aura jamais raison avec le temps. Il est faux de dire que « le problème avec la vérité, désormais, est qu’elle donne raison aux conspirationnistes », et cette phrase n'a qu'une vocation cosmétique, pour singer les nombreux écrits complotistes qui ne cessent de le répéter depuis deux ans - rien de plus. Bien sûr on peut critiquer le caractère routinier, paresseux intellectuellement et parfois politiquement situé de l'anticomplotisme, mais il est difficile de se foutre du monde à reprendre des faits déjà débunkés, en prétendant que personne ne l'a fait. De vrais complotistes au moins se seraient attelés à un de ces fastidieux debunking de debunking.

Les apories d'une lecture intellectualisante

Deuxième problème, c'est que rien ne fait peuple dans un tel livre qui sent surtout l'illusion intellectualiste. Aspect trop peu souligné, le complotisme incarne l'un des derniers avatars d'un fantasme politique plus que merveilleux pour des personnes habituées à écrire et à produire des textes militants : l'idée qu'on mobilise par les textes et par les idées, où mine de rien le « -isme » de complotisme s'avère rassurant et familier à ce titre. Peu importe si ce genre de fantasme politique n'a plus rien à voir avec une réalité sociologique surdocumentée, ou n'excite que des marges militantes infinitésimales qu'on peut baptiser avant-gardes pour se rassurer. Peu importe si le caractère textuel du complotisme lui même, ce à quoi il est si souvent ramené, soit en fait assez limité - il n'y a que quelques graphomanes qui écrivent, quelques uns qui suivent, et autant de critiques du complotisme pour lire ce qui y est écrit jour après jour. Le manifeste conspirationniste plonge dans cette illusion avec délice, et prend sa manière de lire comme d'écrire pour la norme - au point qu'on puisse justement douter de sa carrière future dans les milieux complotistes.

A ce titre c'est une énormité de la part des critiques d'avoir systématiquement relevé le court article mentionnant le livre sur égalité et réconciliation – c'est ignorer l'audience chancelante d'un Soral depuis des années, et le fait qu'il soit dépassé depuis longtemps par d'autres acteurs. Au contraire c'est l'absence de mention du livre sur nombre de pages facebook de gilet jaunes ou sur France Soir qui devrait interpeller. Sur ce point encore, on peut imaginer combien les auteurs du Manifeste pourraient trouver une raison supplémentaire de s'amuser de leurs ennemis anticonspis – et de leur connaissance finalement très relative et datée des conspis qu'ils traquent. Seulement, la propre connaissance des auteurs sur les conspis est aussi plus que relative, et bien plus problématique pour des gens qui entendent s'en rapprocher.

La carrière du livre, si elle n'est pas impossible dans ces milieux interlopes, est donc incertaine et mal partie. Car la question n'est à ce stade pas tant comment l'on écrit le complotisme que les manières de le lire. Le manifeste l'a bien compris au moins sur un aspect, en se présentant comme un objet tweetable, mais pas sûr qu'il en prenne bien la mesure plus globalement. Le tout-venant de cet univers est en effet tissé d'autres pratiques que l'achat d'un livre du Seuil en librairie indépendante : lecture en diagonale, au mieux, onglet ouvert mais pas lu, copié collé tout azimut, passage des yeux sur un titre. Toutes les petites bassesses de nos usages du numérique n'ayant pas besoin d'être complotistes, y compris le narcissisme, y convergent avec allégresse. Même si dans sa forme livresque, vendu en librairie, pas gratuit, le Manifeste prend acte d'une réalité parfois oubliée, à savoir que tout ne se joue pas sur internet – on se transmet des informations et des fakes news entre boomeurs par téléphone, tandis que Raoult squatte aussi les rayonnages des librairies – il passe toutefois à côté du point essentiel qu'est l'articulation, encore plus l'articulation permanente. Les algorithmes n'expliquent pas tout mais rien ne se joue seulement hors d'internet non plus : le livre publié en une fois ne suffit pas dans un univers pareil, où le martèlement est la règle – avec une prime à certaines pratiques : la graphomanie-vidéomanie, la présence quotidienne, le quasi même livre republié de 6 mois en 6 mois, le en ligne et hors ligne.

Le livre parie ainsi sur sa propre force intérieure et textuelle - avec une assurance énorme - pour déferler, poussé par la force du scandale, cependant sans comprendre qu'il se positionne sur un créneau où d'autres acteurs sont des professionnels de l'occupation d'espace, sans cesse en action. S'il n'est déjà pas certain que le livre touche les personnes visées une fois ouvert, il n'est en amont pas sûr que le livre les atteigne. C'est une chose d'être critiqué par les vrais médias - autre chose d'obtenir son ticket d'entrée avec un livre dans un milieu où l'on ne lit vraiment que très peu en prétendant beaucoup le faire ; autre chose de faire son trou dans un milieu déjà saturé, même en cherchant à incarner une forme méta et clairement de gauche singulière. Autrement dit, qu'on ne le lise pas aurait bien pu profiter à la carrière d'un livre ultra-intello, si seulement on arrivait au moins à le voir passer. Pas certain sur ce point que le livre fasse mieux que les fausses théories venant d'anticonspis.


Plus encore au fond, l'erreur fondamentale est d'avoir pris au sérieux le complotisme, d'adopter un angle et une forme intellectuelle pour des idées par définition sans substance mais avec une gangue : le contenu intellectuel des productions complotistes importe peu, à la limite elles sont presque un piège en soi, une diversion, car c'est la posture - énervée, intense, accusatoire -, c'est l'attrait et la mise en scène permanente comme surjouée d'un ethos de la conversation enflammée qui s'y déploie. Venir au complotisme c'est venir à une communauté d'indignations partagées, souscrire avec bonheur à des clichés sur la discussion politique avec effets de manche. On y cherche la colère, l'agressivité, l'indignation, et derrière une forme d'espoir fou et pur. Sous cet angle la fin du livre, tout entier consacré à une étrange dimension "existentielle" saisit en fait assez bien le phénomène, mais à moitié et trop tard. Ce moment du manuscrit ayant tendance à reparler du et au lecteur ne rattrape pas la promesse ratée du titre, ce baume promis aux complotistes, à leur parler d'eux-mêmes sans les agresser, à leur expliquer qu'ils ne sont pas tant que ça dans l'erreur (opération limitée à quelques pages vite expédiées). L'idée de suivre le titre est secondaire par rapport à la tentation de prendre au sérieux le canon complotiste, de la jouer oulipol, et de suivre tête première le terme de « théorie » ; en vouloir impérativement une à soi, pour faire plus vrai, plus complotiste, plus intello subversif. Parce qu'au fond qu'est-ce qu'il peut y avoir de plus scandaleux que d'écrire une théorie du complot dans la décennie 2020?

L'avenir d'un canular

Le complotisme en France avait commencé avec un livre, celui de Meyssan en 2002, il n'est pas impossible qu'il connaisse son prochain point d'étape avec un autre : pas celui-ci, mais celui qui suivra le Manifeste Conspirationniste, avouant que le premier livre était un piège, prenant de court à la fois les critiques, les suiveurs et les fans. Ce serait le premier livre écrit pour être faux, écrit pour être dévoilé, qu'on aurait à ce point pris au sérieux. A vrai dire, comme le livre est anonyme, il ne serait pas difficile pour quiconque de prétendre en être l'auteur et de faire ce coup à leur place si ce n'était pas le plan de départ ; il est encore temps de sauver ce livre par ce biais, plutôt que d'essayer de le lire.


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